Le cycle répertoire Cinéphare David Lynch démarre ce dimanche 29 octobre
Nous ouvrons cette nouvelle saison répertoire Cinéphare avec un focus sur l’un des plus grands créateurs de formes du cinéma contemporain : David Lynch. Trois films emblématiques et un documentaire passionnant sur l’artiste au travail pour (re)plonger dans son univers fascinant…

Les deux films seront accompagnés par Erwan Cadoret, enseignant et critique de cinéma.


Ce dimanche 29 octobre

SAILOR ET LULA à 17h30 en VOST (In english)
WILD ART HEART – 1990 – 2h05

avec Nicolas Cage, Laura Dern, Willem Dafoe, Diane Ladd, Isabella Rossellini, Harry Dean Stanton…
Palme d’or, Festival de Cannes 1990

Tiré d’un roman de Barry Gifford (qui, par la suite, écrira avec David Lynch Lost Highway et deux épisodes d’Hotel Room), Sailor et Lula est le film le plus sulfureux, le plus rock’n roll du maître. Sur la trame d’un conte de fée (sorcière maléfique, autre côté du miroir, pied de l’arc en ciel, gentille marraine…) Lynch livre une œuvre hystérique, extrême, qui s’embrase dès les premières images. Fracas d’une tête qu’on écrase, démembrements et rites vaudou côtoient la romance fleur bleue de deux tourtereaux qui tracent la route pour échapper à leur famille et leur passé. Road movie extrêmement classique dans le fond – Sailor et Lula n’étant qu’une énième variation sur Romeo et Juliette – le film frappe par le lyrisme qui accompagne la fuite des deux amants et c’est lorsque Lynch se laisse complètement aller à son poème d’amour fou que Sailor et Lula prend toute sa dimension.

Les scènes chocs, les personnages hauts en couleur portés par des acteurs qui visiblement s’éclatent dans l’excès (Willem Dafoe, Grace Zabriskie ou Isabella Rossellini) passent alors en second plan, comme des artefacts de l’univers immédiatement identifiable de Lynch. Bien sûr on prend un énorme plaisir à voir Nicolas Cage écraser une tête sur du marbre alors que la BO passe brutalement d’un jazz entraînant aux riffs de Slaughterhouse, ou encore à l’entendre chanter Love Me Tender après avoir mis une raclée à un jeune présomptueux. On jubile lorsque Bobby Peru (Willem Dafoe) se lance dans une étonnante scène de séduction/répulsion avec Lula. Lynch a le génie des images chocs, des confrontations violentes, des irruptions incongrues, la griserie est là mais il s’en faut de peu pour que le cinéaste ne se livre à un grand huit tournant rapidement à vide. Heureusement dans Sailor et Lula,Twin Peaks ou Mulholland Drive, Lynch se repose sur autre chose qu’il sait tout aussi bien faire : rendre palpable l’amour fou et ses dérives, donner à ressentir les lambeaux déchirés de rêves qui se heurtent à la réalité.



TWIN PEAKS, FIRE WALK WITH ME à 20h30 en VOST (In english)
1992 – 2h14
avec Sheryl Lee, Ray Wise, David Bowie, Heather Graham, Chris Isaak…

Il était insupportable pour le téléspectateur de Twin Peaks de voir défiler une dernière fois le générique de fin de cette série mythique qui secoua nos écrans au début des années 90. Au fil de ces 28 épisodes, nous étions tous devenus des habitants de Twin Peaks. Andy, le shériff Truman, Lucy, Bobby, le Major, Donna, Audrey, James, Nadine, Norma, Shelley, Josie, Pete, la femme à la bûche, Albert, Dale Cooper et même l’invisible Diane faisaient dorénavant partie de notre quotidien. Fort heureusement, cette séparation était tout aussi douloureuse pour l’un de ses créateurs et David Lynch ne put que revenir à cet univers et nous livrer par là-même ce qui est peut-être son chef d’œuvre.

Fire Walk with Me se déroule sur les sept journées qui précèdent la mort de Laura Palmer, l’évènement initiateur de la série. Dans la série, chaque personnage vivait à l’ombre de sa disparition. Chaque histoire, chaque parcours individuel était relié à Laura et découvrir ses secrets, emboîter les pièces du puzzle, reconstituer sa vie, permettaient d’éclairer d’un jour nouveau chaque protagoniste du drame. En donnant corps à cette absence, Lynch cristallise ce que la série a de plus sombre, de plus triste.

Fire Walk with Me est un film bouleversant, à la beauté formelle proprement hallucinante, un film d’icônes qui nous transporte dans un de ces univers dont Lynch seul semble avoir le secret. Le secret qui est au cœur de Twin Peaks avec ces images et ces sons qui sont autant d’indices qui nous ouvrent les portes d’un monde unique et cohérent, où les rêves et le temps fusionnent, un monde dans lequel on plonge avec délice et effroi.


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